Conseil d'Etat, 1° mars 2023, n°462877

Par une décision du 1er mars 2023, le Conseil d’Etat précise que le titulaire du droit de préemption sur un bien ne saurait légalement l'exercer si la déclaration d'intention de l'aliéner a été faite par une personne qui, à la date de cette déclaration, n'est pas propriétaire du bien :

10. Il résulte de ces dispositions, en premier lieu, que le titulaire du droit de préemption sur un bien ne saurait légalement l'exercer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la déclaration d'intention de l'aliéner a été faite par une personne qui, à la date de cette déclaration, n'est pas propriétaire du bien. Il en résulte, en second lieu, que la réception d'une déclaration d'intention d'aliéner ouvre au titulaire du droit de préemption, alors même qu'il aurait renoncé à l'exercer à la réception d'une précédente déclaration d'intention d'aliéner portant sur la vente du même bien par la même personne aux mêmes conditions, un délai de deux mois pour exercer ce droit. La circonstance que la déclaration d'intention d'aliéner soit incomplète ou entachée d'une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou sur les conditions de son aliénation est, par elle-même, et hors le cas de fraude, sans incidence sur la légalité de la décision de préemption prise à la suite de cette déclaration.

Cette décision s’appuie sur les dispositions de l’article L. 213-2 du Code de l’urbanisme, qui prévoient que « Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée (...). Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. (...) Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision du titulaire fait l'objet d'une publication. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien. (...) » ainsi que sur celles de l’article L. 213-8 du même Code qui disposent « Si le titulaire du droit de préemption a renoncé à l'exercice de son droit avant fixation judiciaire du prix, le propriétaire peut réaliser la vente de son bien au prix indiqué dans sa déclaration (...). / Si le propriétaire n'a pas réalisé la vente de son bien sous forme authentique dans le délai de trois ans à compter de la renonciation au droit de préemption, il dépose une nouvelle déclaration préalable mentionnée à l'article L. 213-2. / (...) La vente sera considérée comme réalisée, au sens du deuxième alinéa du présent article, à la date de l'acte notarié ou de l'acte authentique en la forme administrative constatant le transfert de propriété. (...) ».

La Haute Juridiction retient que le propriétaire déclaré au sein de la DIA n’était, en réalité, pas propriétaire, de telle sorte que la collectivité ne pouvait pas préempter le bien :

11. En l'espèce, la réception d'une déclaration d'intention d'aliéner le 24 août 2021 ouvrait ainsi en principe à la commune de Rémire-Montjoly, autorité titulaire du droit de préemption urbain, la possibilité d'exercer légalement ce droit, alors même qu'elle avait renoncé à l'exercer à la réception d'une précédente déclaration d'intention d'aliéner portant sur la vente du même bien par la même personne aux mêmes conditions. Il résulte toutefois de l'instruction qu'à la date de cette déclaration, faite par la collectivité territoriale de Guyane, la vente réalisée auparavant au profit de M. B... avait été jugée parfaite par le tribunal judiciaire de Cayenne. Si, en l'état de l'instruction, il n'est pas établi que ce jugement soit devenu définitif, le moyen tiré de ce que la déclaration d'intention d'aliéner n'émanait pas du propriétaire du bien préempté est par suite propre, en l'état de l'instruction et eu égard à l'office du juge des référés, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ».

Compte tenu des brefs délais pour exercer le droit de préemption urbain, dans le doute sur le propriétaire réel d’un bien, il est préférable de procéder à la préemption du bien, tout en sachant que la décision pourrait être annulée ou suspendue.