Conseil d'Etat, 19 juillet 2023, n°465308

Le délai CZABAJ s'applique au recours en contestation de la validité du contrat conclu sans publicité à compter du moment où le concurrent évincé a eu connaissance de sa conclusion.

Par un arrêt du 19 juillet 2023, le Conseil d’Etat a jugé que même si un contrat a été conclu sans publicité, le délai de recours en contestation de sa validité doit être introduit dans le délai Czabaj d’un an à compter de la connaissance de sa conclusion par le requérant.

En l’espèce, le ministre de la Défense avait lancé une procédure négociée pour la fourniture d'heures de vol d'aéronef pour assurer des essais de matériel et l'entraînement des forces de la marine nationale. La société Seateam aviation a déposé une offre pour chacun des lots n° 1 et 2 de ce marché, qui ont été rejetées par des décisions du 19 août 2010. La société Seateam aviation a alors demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler ce contrat, mais ce tribunal a rejeté sa demande. Ce jugement a été confirmé par la cour administrative d'appel de Marseille.

Saisie à son tour, la haute assemblée rappelle que indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. Ce délai de deux mois ne peut commencer à courir que si ces mesures indiquent au moins l'objet du contrat et l'identité des parties contractantes ainsi que les coordonnées, postales ou électroniques, du service auprès duquel le contrat peut être consulté.

Mais, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que la validité d'un contrat administratif puisse être contestée indéfiniment par les tiers au contrat. Dans le cas où, faute que tout ou partie des mesures de publicité appropriées mentionnées au point précédent aient été accomplies, le délai de recours contentieux de deux mois n'a pas commencé à courir, le recours en contestation de la validité du contrat ne peut être présenté au-delà d'un délai raisonnable à compter de la date à laquelle il est établi que le requérant a eu connaissance, par une publicité incomplète ou par tout autre moyen, de la conclusion du contrat, c'est-à-dire de son objet et des parties contractantes. En règle générale et sauf circonstance particulière dont se prévaudrait le requérant, un délai excédant un an ne peut être regardé comme raisonnable.

Dès lors, en jugeant, après avoir constaté par des motifs non contestés que le délai de deux mois n'était pas opposable au recours en contestation de la validité du contrat formé par la société Seateam aviation, concurrente évincée, devant le tribunal administratif de Toulon le 15 août 2015 en l'absence de publicité suffisante des modalités de consultation du contrat, que ce recours était néanmoins tardif pour avoir été introduit au-delà d'un délai d'un an à compter de la publication au bulletin officiel des annonces des marchés publics, le 9 octobre 2010, d'un avis d'attribution du contrat qui indiquait sa conclusion, c'est-à-dire son objet et l'identité des parties contractantes, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit.

En outre, en estimant que la circonstance que la société Seateam aviation avait introduit un premier recours en contestation de la validité du même contrat devant le tribunal administratif de Toulon le 4 juin 2012, rejeté par un jugement du 17 octobre 2014 de ce tribunal au motif qu'elle n'avait ni produit l'acte d'engagement signé par le ministre de la défense et l'attributaire du marché ni justifié d'une impossibilité d'obtenir ce document, ne constituait pas une circonstance particulière justifiant de proroger au-delà d'un an le délai raisonnable dans lequel elle pouvait exercer un recours juridictionnel, la cour administrative d'appel de Marseille a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

Source: Fil DP