Quand il n’est pas tenu de faire usage de ses pouvoir de régularisation, le juge peut tout de même les mettre en œuvre

Conseil d'Etat, avis, 10 novembre 2023, n°474431

Par un avis du 10 novembre 2023, le Conseil d’Etat a précisé que si le juge est tenu de faire usage des pouvoirs de régularisation d’une décision d’enregistrement d’une ICPE qui serait illégale quand le projet fait l’objet d’une autorisation environnementale ou d’une évaluation environnementale donnant lieu à une autorisation, il a la faculté de la faire dans les autres cas d’enregistrement.

En l’espèce, une association et plusieurs personnes avaient demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 8 août 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a délivré à la société à responsabilité limitée ENEDEL 7 un permis de construire une unité de méthanisation située sur le territoire de la commune de Saint-Junien-les-Combes, d'autre part, l'arrêté du 3 novembre 2017 du préfet de la Haute-Vienne portant enregistrement d'une unité de méthanisation située au lieu-dit « Le Francour » sur le territoire de la commune de Saint-Junien-les-Combes et de ses sites de stockage de digestats situés sur le territoire des communes de Saint-Junien-les-Combes et Berneuil au titre des installations classées pour la protection de l'environnement. Ce tribunal a fait droit à leur requête. Mais, saisie à son tour, la cour administrative d'appel de Bordeaux, avant de statuer sur ce jugement, a décidé de transmettre une demande d’avis au Conseil d’Etat fin qu’il détermine si les dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, issues de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, sont- applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement faisant seulement l'objet d'un enregistrement et qui, n'étant pas soumises à évaluation environnementale, ne constituent pas un projet mentionné au deuxième alinéa du II de l'article L. 122-1-1.

La haute assemblée affirme que

« les dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, qui concernent les pouvoirs du juge de l'autorisation environnementale, sont applicables aux recours formés contre une décision d'enregistrement d'une installation classée dans le cas où le projet fait l'objet, en application du 7° du paragraphe I de l'article L. 181-2 du code de l'environnement, d'une autorisation environnementale tenant lieu d'enregistrement ou s'il est soumis à évaluation environnementale donnant lieu à une autorisation du préfet en application du troisième alinéa du II de l'article L. 122-1-1 du même code ».

« Dans les autres cas où le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre une décision relative à l'enregistrement d'une installation classée, y compris si la demande d'enregistrement a été, en application de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement, instruite selon les règles de procédure prévues pour les autorisations environnementales, les dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ne sont pas applicables. Cependant, en vertu des pouvoirs qu'il tient de son office de juge de plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement, le juge administratif, s'il estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d'être régularisée, peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le juge peut préciser, par sa décision avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l'intervention d'une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée. En outre, le juge peut limiter la portée ou les effets de l'annulation qu'il prononce si le ou les vices qu'il retient n'affectent qu'une partie de la décision ».

« Enfin, lorsque l'annulation n'affecte qu'une partie seulement de la décision, le juge administratif peut déterminer s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties non viciées de cette décision. Et lorsqu'il prononce l'annulation, totale ou partielle, d'une décision relative à une installation classée soumise à enregistrement, il a toujours la faculté, au titre de son office de juge de plein contentieux, d'autoriser lui-même, à titre provisoire, et le cas échéant sous réserve de prescriptions et pour un délai qu'il détermine, la poursuite de l'exploitation de l'installation en cause, dans l'attente de la régularisation de sa situation par l'exploitant ».

Source: Fil DP