Cour Administrative d'Appel de Nancy, 28 septembre 2023, n°20NC03693

Par un arrêt rendu le 28 septembre 2023, la Cour administrative d’appel de Nancy estime que la construction de logements sociaux ne répond pas automatiquement à une raison impérative d’intérêt public majeur, au titre de la réglementation sur les dérogations espèces protégées.

Plus précisément, la Cour retient :

5. Il résulte de ces dispositions qu'un projet d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu notamment du projet urbain dans lequel il s'inscrit, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

6. L'espèce, objet de la demande de dérogation, est protégée par l'article 3 de l'arrêté du 8 janvier 2021 fixant les listes des amphibiens et des reptiles protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection qui prévoit que sont interdits, sur tout le territoire métropolitain et en tout temps, la destruction ou l'enlèvement des œufs et des nids, la destruction, la mutilation, la capture ou l'enlèvement, et la perturbation intentionnelle des animaux, pour autant que la perturbation remette en cause le bon accomplissement des cycles biologiques de l'espèce considérée de la salamandre tachetée qui est également inscrite sur la liste rouge des amphibiens et des reptiles de Lorraine, de France métropolitaine, d'Europe et mondiale.

7. Les arrêtés du 16 novembre 2018 en litige ont autorisé cependant les pétitionnaires à déroger à cette interdiction en autorisant la capture temporaire avec relâché et la destruction de spécimens de cette espèce au motif que le projet de construction de trois bâtiments pour des logements en accession sociale répond à des raisons impératives d'intérêt public majeur en contribuant à l'atteinte des objectifs du programme local de l'habitat durable de la métropole du Grand Nancy et du quota de logements sociaux définis par la loi solidarité et renouvellement urbain, tout en limitant l'étalement urbain sur les terres agricoles. Il résulte toutefois des pièces du dossier que ce projet privé même s'il permet de concourir à la poursuite de ces objectifs d'intérêt public d'aménagement durable et de politique du logement social, n'était pas nécessaire pour les atteindre dès lors que la commune satisfait à la date de la décision attaquée aux exigences de la loi SRU et qu'en outre, aucun élément ne vient étayer l'affirmation selon laquelle, sans ce projet, ces objectifs ne pourraient être atteints qu'au détriment des terres agricoles environnantes, ni ne démontre que la métropole du Grand Nancy et le secteur auquel appartient Villers-lès-Nancy en particulier, connaîtrait une situation de tension particulière en matière de logement social en raison d'une hausse démographique prévisible et d'un besoin non satisfait. En outre, il n'est pas établi que ce projet aurait pu être réalisé sur une emprise foncière moins attentatoire à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage alors que les sites permettant le développement de ce type de projets ne sont pas inexistants, tant sur le territoire de la commune de Villers-lès-Nancy qu'au niveau de la métropole nancéienne. Par suite, même si ce projet présente un intérêt public, il ne répond toutefois pas à une raison impérative d'intérêt public majeur suffisante pour justifier, en l'espèce, qu'il soit dérogé à la législation assurant l'objectif de conservation de la faune sauvage. Par suite, la dérogation accordée par l'arrêté du 16 novembre 2018 ne peut être regardée comme justifiée par l'un des motifs énoncés au c) du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

Un tel motif ayant conduit à écarter la raison impérative d’intérêt public majeur tient au fait que la Commune, terrain d’assiette du projet, respecte les exigences de LLS au titre de la loi SRU et qu’aucun élément ne démontre que le secteur au sein duquel s’insère le projet connaitre une situation de tension particulière en matière de logement social.

Il appartient donc aux porteurs de projets d’être particulièrement vigilants dans la rédaction de leurs demandes de dérogations espèces protégées, pour un projet de logements, y compris locatifs sociaux, l’octroi de la dérogation n’est pas automatique.