Dans quelle mesure les constatations et les déclarations recueillies durant la médiation doivent rester confidentielles devant le juge

Conseil d'Etat, 14 novembre 2023, n°475648

Par un avis du 14 novembre 2023, le Conseil d’Etat a précisé dans quelle mesure des constatations et les déclarations recueillies par un expert dans le cadre d’une médiation doivent rester confidentielles et ne pas fonder la décision du juge.

En l’espèce, le tribunal administratif de La Réunion avait été saisi par la société Grands Travaux de l'Océan Indien (GTOI), de la société Vinci Construction Terrassement (VCT) et de la société Bourbonnaise de Travaux publics et de Construction (SBTPC) afin de condamner la région Réunion au titre de l'exécution du marché n° MT5.1 portant sur la construction de digues entre Saint-Denis et la Grande Chaloupe et entre la Grande Chaloupe et La Possession. Or, ce tribunal a saisi le Conseil d’Etat d’une demande d’avis afin qu’il détermine si un rapport d'expertise établi dans le cadre d'une médiation et procédant à une analyse technique et factuelle des prétentions des parties est soumis au principe de confidentialité ou s’il peut être soumis au débat contradictoire et pris en compte par le juge du fond à titre d'élément d'information.

La haute assemblée affirme qu’

« en vertu des dispositions de l'article L. 213-2 du code de justice administrative, ne doivent demeurer confidentielles, sauf accord contraire des parties et sous réserve des exceptions prévues par cet article, sans pouvoir être divulguées à des tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance juridictionnelle, que les seules constatations du médiateur et déclarations des parties recueillies au cours de la médiation, c'est-à-dire les actes, documents ou déclarations, émanant du médiateur ou des parties, qui comportent des propositions, demandes ou prises de position formulées en vue de la résolution amiable du litige par la médiation ».

« En revanche, les dispositions de l'article L. 213-2 ne font pas obstacle à ce que soient invoqués ou produits devant le juge administratif d'autres documents, émanant notamment de tiers, alors même qu'ils auraient été établis ou produits dans le cadre de la médiation. Tel est en particulier le cas pour des documents procédant à des constatations factuelles ou à des analyses techniques établis par un tiers expert à la demande du médiateur ou à l'initiative des parties dans le cadre de la médiation, dans toute la mesure où ces documents ne font pas état des positions avancées par le médiateur ou les parties en vue de la résolution du litige dans le cadre de la médiation ».

Dès lors,

« les pièces devant demeurer confidentielles en vertu de l'article L. 213-2 du code de justice administrative ne peuvent être invoquées ou produites dans le cadre d'une instance devant le juge administratif qu'à la condition que les parties aient donné leur accord ou que leur utilisation relève d'une des exceptions prévues à cet article. A défaut, le juge ne saurait fonder son appréciation sur de telles pièces. En revanche, les autres pièces peuvent être invoquées ou produites devant le juge administratif et ce dernier peut les prendre en compte pour statuer sur le litige porté devant lui, dans le respect du caractère contradictoire de l'instruction ».

Enfin,

« dans le cas particulier où le juge administratif ordonne avant dire droit une expertise et où l'expert, conformément à ce que prévoient les dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, se voit confier une mission de médiation, doivent, de même, demeurer confidentiels les documents retraçant les propositions, demandes ou prises de position de l'expert ou des parties, formulées dans le cadre de la mission de médiation en vue de la résolution amiable du litige. Il appartient alors à l'expert, ainsi que le prévoit l'article R. 621-1, de remettre à la juridiction un rapport d'expertise ne faisant pas état, sauf accord des parties, des constatations et déclarations ayant eu lieu durant la médiation ».

Source: Fil DP