L’action visant à obtenir sa démolition n’est pas soumise à prescription

Conseil d'Etat, 27 septembre 2023, n°466321

Par un arrêt du 27 septembre 2023, le Conseil d’Etat a jugé qu’une demande de démolition d’un ouvrage public irrégulièrement implanté n’est soumise à aucune prescription.

En l’espèce, le 22 juin 2017, Mme D. et Mme B. ont demandé à la société Enedis de procéder à la dépose d'un pylône implanté sur leur terrain et de leur verser une somme de 60 000 euros en réparation des préjudices qu'elles estiment subir. Leur demande ayant été rejetée, elles ont alors saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise pour qu’il annule ce refus, condamne la société Enedis à leur verser une indemnité de 60 000 euros, et lui enjoigne de procéder à la dépose de l'ouvrage et au déplacement de la ligne électrique également située sur le terrain. Si ce tribunal a rejeté leur demande, la cour administrative d'appel de Versailles a, en revanche, enjoint à la société Enedis de procéder à la dépose du pylône et au déplacement ou à l'enfouissement de la ligne électrique dans un délai de six mois.

Saisie à son tour, la haute assemblée précise que

« lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, en tenant compte de l'écoulement du temps, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général ».

Or, si l'article 2227 du code civil impose une prescription trentenaire des actions réelles immobilières , les juges du Palais-Royal considèrent que

« compte tenu des spécificités, rappelées au point précédent, de l'action en démolition d'un ouvrage public empiétant irrégulièrement sur une propriété privée, ni ces dispositions ni aucune autre disposition ni aucun principe prévoyant un délai de prescription ne sont applicables à une telle action. L'invocation de ces dispositions du code civil au soutien de l'exception de prescription trentenaire opposée par la société Enedis était donc inopérante. Ce motif devant être substitué au motif par lequel l'arrêt attaqué juge non fondée cette exception, il y a lieu, par suite, d'écarter les moyens de cassation dirigés contre le motif retenu par la cour administrative d'appel de Versailles ».

Source: Fil DP