Conseil d'Etat, 11 mars 2024, n°463413

Dans une décision rendue le 11 mars 2024 (req. n°463413), le Conseil d’Etat précise les modalités d’appréciation du caractère régularisable d’un vice entachant une autorisation d’urbanisme au sens des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Pour mémoire, ces dispositions offrent des possibilités de régularisation des autorisations d’urbanisme, soit par le biais de l’annulation partielle (article L. 600-5), soit par celui du sursis à statuer (article L. 600-5-1).

Au fil de ses décisions, le juge administratif est venu élargir les contours de ces dispositifs : il a ainsi admis que :

  • des constructions achevées puissent en bénéficier (CE, 22 février 2017, req. n°392998),
  • plusieurs vices puissent être régularisés (CE, 09 novembre 2021, req. n°440028),
  • la régularisation puisse intervenir au-delà du délai imparti par le juge (CE, 16 février 2022, req. n°420554),
  • la délivrance d’un permis modificatif puisse régulariser l’autorisation initiale même si la demande du pétitionnaire ne le précise pas expressément (CE, 30 juin 2023, req. n°463230),
  • la régularisation de l’autorisation puisse être effectuée par la modification de la règle d’urbanisme en cours d’instance (CE, 03 juin 2020, req. n°420736), ou par la modification du projet, même si cela implique de modifier son économie générale, du moment qu’il n’en modifie pas la nature même (CE, Avis, 02 octobre 2020, n°438318).

C’est sur ce dernier point que le Conseil d’Etat revient dans la décision du 11 mars 2024 :

« 3. Il résulte de ces dispositions qu'un vice entachant le bien-fondé d'une autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé dans les conditions qu'elles prévoient, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

4. Après avoir jugé, par une appréciation souveraine suffisamment motivée et non entachée de dénaturation, que le projet en litige, qui porte sur la rénovation d'une maison d'habitation et la création à proximité d'une piscine ainsi que d'un vestiaire et d'un débarras, ne permettait pas, eu égard à l'activité projetée d'accueil d'enfants à la piscine, de satisfaire aux exigences du nombre de places de stationnement minimal correspondant aux besoins de la construction ou de l'installation, édictées par l'article UB1-12 du règlement du plan d'urbanisme directeur applicable, la cour administrative d'appel de Paris a écarté la possibilité que ce vice soit susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ou d'une annulation partielle en application de l'article L. 600-5 du même code.

5. Elle a, d'une part, pour statuer ainsi, retenu que la possibilité de créer des places supplémentaires sur le terrain d'assiette du projet n'apparaissait pas envisageable compte tenu de la taille du terrain et de la nécessité d'y prévoir des espaces plantés pour respecter les exigences de l'article UB1-13 du plan d'urbanisme directeur de Nouméa. Toutefois, en fondant ainsi son appréciation sur le seul projet existant, sans tenir compte de la possibilité pour le pétitionnaire de faire évoluer celui-ci et d'en revoir, le cas échéant, l'économie générale sans en changer la nature, la cour a commis une erreur de droit.

6. Prenant en compte, d'autre part, les dispositions de l'article UB1-12 du règlement applicables à la date de son arrêt, qui avaient évolué en élargissant les possibilités de prévoir des places de stationnement hors de la parcelle, dans l'environnement du projet, elle a estimé que la commune de Nouméa n'apportait pas de précision sur la possibilité, contestée en défense, de réaliser des places de stationnement dans l'environnement immédiat de la construction. Toutefois, en exigeant qu'une telle possibilité soit établie devant elle dès ce stade de la procédure, alors qu'une telle analyse suppose de prendre en compte les évolutions susceptibles d'être apportées au projet et la recherche, le cas échéant, d'accords de tiers pour assurer un stationnement dans l'environnement du projet, elle a également commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Nouméa est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et, par voie de conséquence, d'une part, annule les jugements du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en date du 16 mai 2019 et 16 janvier 2020, ainsi que les permis de construire litigieux et, d'autre part, fait droit aux conclusions du syndicat des copropriétaires du 1er rue Marx Lang présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative »

L’apport de cette décision réside dans le fait que pour apprécier si l’autorisation d’urbanisme pouvait être régularisée, le juge ne devait pas uniquement raisonner par rapport au projet existant mais qu’il devait prendre en compte les possibilités qu’avait le pétitionnaire de faire évoluer celui-ci.

L’office du juge administratif ne fait que se renforcer .