Contrôle du juge sur celle décidée pour des faits condamnés antérieurement à sa nomination.

Conseil d'Etat, 3 mai 2023, n°438248

Par un arrêt du 3 mai 2023, le Conseil d’Etat a jugé que si l’administration peut révoquer un fonctionnaire pour une condamnation pénale antérieure à sa nomination dont elle a connaissance après, c’est à la condition que les faits condamnés soient incompatibles avec le maintien de l'intéressé dans la fonction publique. Il appartient au juge de s’en assurer.

En l’espèce, à la suite de la découverte de fraudes aux prestations sociales versées par le département de la Seine-Saint-Denis, le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a engagé une procédure disciplinaire à l'encontre de M. A. et a, par un arrêté du 26 avril 2017, prononcé sa révocation. M. A. a alors demandé au tribunal administratif de Montreuil d’annuler cette révocation. Celui-ci a fait droit à sa requête, son jugement a été annulé par la cour administrative d'appel de Versailles.

Saisie à son tour, la haute assemblée affirme que « lorsque l'administration estime que des faits, antérieurs à la nomination d'un fonctionnaire mais portés ultérieurement à sa connaissance, révèlent, par leur nature et en dépit de leur ancienneté, une incompatibilité avec le maintien de l'intéressé dans la fonction publique, il lui revient, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'en tirer les conséquences en engageant une procédure disciplinaire en vue de procéder, à raison de cette incompatibilité, à la révocation de ce fonctionnaire ».

Or, les juges du Palais-Royal considèrent que « que l'arrêté du 26 avril 2017 prononçant la révocation de M. A. est fondé sur des motifs tirés, d'une part, de ses antécédents judiciaires, regardés comme incompatibles avec l'exercice par l'intéressé de ses fonctions, et, d'autre part, de la consultation à trois reprises, en mars et avril 2014, d'un dossier ne relevant pas de son champ d'intervention et relatif au bénéfice de prestations sociales dont a frauduleusement bénéficié une de ses connaissances ».

« Si c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel a retenu que des faits à l'origine de condamnations judiciaires d'un agent public, antérieurs à son recrutement, pouvaient, le cas échéant […], constituer le fondement de poursuites disciplinaires, la cour n'a pas suffisamment motivé sa décision en se bornant à relever l'existence d'antécédents judiciaires de M. A., sans caractériser les faits à l'origine des condamnations de ce dernier et sans apprécier si ces faits, compte tenu de leur nature et de leur ancienneté, étaient de nature à conduire à la révocation de l'intéressé. Par suite, M. A. est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ».

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat estime « que M. A., né en 1989, a été condamné, par le tribunal correctionnel de Meaux, par jugement du 17 mars 2008, à raison d'un vol avec violence n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail, commis au préjudice d'un magasin pour un montant de 485 euros, à une peine de deux ans de prison dont un an avec sursis et qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel de Bobigny, par jugement du 29 mars 2012, pour avoir tenté de pénétrer sans autorisation dans un établissement pénitentiaire en s'y présentant avec une pièce d'identité qui n'était pas la sienne, à une peine de trente jours-amende. Ces condamnations, antérieures à son recrutement par le département de la Seine-Saint-Denis à compter du 2 juillet 2012, ont cependant donné lieu, pour la seconde, à une dispense d'inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire de l'intéressé et, pour la première, à un effacement de ces mentions par jugement du tribunal de grande instance de Meaux du 15 mai 2012. Eu égard à l'ancienneté des faits ayant justifié la première condamnation de M. A. et à leur nature, ayant d'ailleurs conduit l'autorité judiciaire à retenir en 2012 que leur gravité ne justifiait pas ou plus de mention des condamnations correspondantes au bulletin n°2 du casier judiciaire, ces faits à eux seuls, dont l'administration a pris connaissance en 2014, n'affectaient pas le bon fonctionnement ou la réputation du service dans des conditions justifiant la révocation de l'intéressé par l'arrêté attaqué du 26 avril 2017 ».

Source: Fil DP