La sélection par la société ATLANDES, concessionnaire de l’autoroute A63, de l’opérateur en charge du dépannage et du remorquage des poids-lourds sur une section de cette autoroute a donné lieu à une série de décisions de justice conduisant à clarifier les voies de recours offertes aux concurrents évincés.

Précisons que les contrats de dépannage passés par les concessionnaires d’autoroute relèvent du droit privé, lesdits concessionnaires agissant pour leur compte et non pour celui de l’Etat.

1. Irrecevabilité du référé précontractuel/contractuel

Dans cette affaire, le concurrent évincé a tout d’abord formé un référé précontractuel puis, le contrat étant signé, un référé contractuel, devant le juge judiciaire des référés. Le juge des référés du tribunal de Bordeaux avait jugé sa saisine recevable au visa de l’article L.122-20 du code de la voirie routière qui étend le champ du référé précontractuel (et contractuel) aux « marchés » passés par les concessionnaires d’autoroute.

Par un arrêt du 22 juin 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a toutefois sanctionné la position du premier juge et réglé elle-même l’affaire au fond : le contrat de dépannage et de remorquage n’est pas un « marché » au sens de l’article L.122-20 du code de la voirie routière puisqu’il répond à la définition de la « concession ».

La haute juridiction observe à cet égard, d’une part, que le dépanneur est entièrement rémunéré par les usagers de l’autoroute et, d’autre part, que sa position monopolistique sur une section d’autoroute n’est pas incompatible avec l’existence d’un risque lié à l’exploitation du service :

« 16. En statuant ainsi, après avoir relevé que le contrat qui lui était soumis ne prévoyait aucune rémunération versée par le concessionnaire à l'entreprise de dépannage, la situation de monopole de l'entreprise de dépannage désignée pour accomplir la mission n'étant pas exclusive de l'existence d'un aléa susceptible d'affecter le volume et la valeur de la demande de dépannage sur la portion d'autoroute concernée, le juge du référé contractuel a violé les textes susvisés. »

Le législateur n’ayant pas expressément ouvert la voie des référés précontractuel et contractuels aux concurrents évincés s’agissant des sous-concessions autoroutières, la Cour de cassation juge l’action irrecevable.

Cette première voie de contestation est ainsi fermée aux concurrents évincés.

2. Irrecevabilité du recours pour excès de pouvoir formé contre l’agrément préfectoral du dépanneur

Le concurrent évincé par la société ATLANDES a par ailleurs formé un recours pour excès de pouvoir contre l’agrément délivré au dépanneur par le préfet des Landes.

Cet agrément constitue une formalité prévue par l’ensemble des contrats de concession autoroutière passés par l’Etat.

Après avoir considéré que l’agrément était un acte détachable de l’exécution de la concession autoroutière susceptible en tant que tel de faire l’objet d’un recours de la part des tiers, le tribunal administratif de Pau a néanmoins estimé que la qualité de concurrent évincé ne suffisait pas à justifier d’un « intérêt en rapport direct avec l’objectif de sécurité routière de cette décision d’agrément ».

Le recours du candidat évincé, qui ne se prévaut que d’un intérêt purement concurrentiel à l’encontre de l’agrément préfectoral délivré au dépanneur, est par conséquent jugé irrecevable.

3. Renvoi au « juge de droit commun » pour une action en responsabilité

Dans son arrêt du 22 juin 2022, la Cour de cassation observe que

« l'impossibilité de saisir le juge du référé contractuel n'empêche pas les candidats évincés d'un appel à concurrence de saisir le juge de droit commun pour faire valoir leurs droits ».

Quelle est donc l’action envisageable devant le juge de droit commun ?
Dès lors qu’il semble désormais acquis que les concurrents évincés ne peuvent contester directement la validité des contrats de droit privé devant le juge judiciaire, leur reste seule ouverte la voie de l’action en responsabilité contre la personne responsable du manquement dénoncé (Conseil constitutionnel, 2 octobre 2020, décision 2020-857 QPC, § 23 et 26).

Ainsi, les éventuelles irrégularités entachant la procédure de dévolution du contrat de dépannage par la société concessionnaire d’autoroute seront sanctionnées par l’allocation de dommages et intérêts, à hauteur du préjudice direct supporté par le concurrent évincé (incluant le cas échéant son manque à gagner).

Le contrat passé avec le candidat retenu ne semble, en revanche, pas susceptible d’être remis en cause devant le juge.

Sources :
Com., 22 juin 2022, n° 19-25.434, publié au Bulletin

TA Pau, 16 août 2022, Sté Bernard Dépannage, n° 1902918