Cour de Cassation, 3° civ., 9 novembre 2023, n°22-15.403

La troisième chambre de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 09 novembre 2023 (n°22-15403) confirme que le droit à la vue n’est pas protégé en milieu urbanisé d’une commune en pleine expansion.

Plus précisément, la perte d’une vue imputable à des constructions que la modification du PLU a rendu possible ne constitue pas un trouble anormal de voisinage :

« 4. En premier lieu, la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que si la construction d'un lotissement en limite sud de la propriété de Mme [D] modifiait son cadre de vie et la privait de la vue dégagée et vide de toute construction dont elle disposait jusqu'à la modification du plan local d'urbanisme ayant supprimé l'interdiction de construire en-deçà de 75 mètres de la route départementale, le droit à la vue n'était pas protégé dans un milieu urbanisé à proximité immédiate d'une voie de déviation routière, dans une commune en pleine expansion et vouée à s'urbaniser.

5. Ayant ainsi fait ressortir que nul n'était assuré, en milieu urbain ou en voie d'urbanisation, de conserver son environnement qu'un plan d'urbanisme pouvait toujours remettre en cause, elle en a souverainement déduit que la perte de vue, dont rien ne démontrait la nature d'intérêt ou le caractère d'exception, ne caractérisait pas, dans ces circonstances, l'anormalité du trouble invoqué.

6. En second lieu, elle a relevé que, contrairement à ce que soutenait Mme [D], les deux maisons du lotissement n'étaient pas édifiées à moins de 3,5 mètres de la sienne mais à plus de 3,5 mètres de la limite divisoire, et a retenu, par une appréciation souveraine des pièces soumises à son examen, que la perte d'intimité dans le logement n'était pas caractérisée faute de précision sur la distance entre les pièces à vivre et la limite des fonds, et que celle invoquée au titre du jardin et des abords de la piscine, à laquelle il avait été remédié par la plantation de végétaux le long de la clôture, ne présentait pas un caractère de gravité traduisant son anormalité ».

Ce faisant la Cour de cassation confirme sa jurisprudence constante en la matière selon laquelle en milieu urbanisé, l’existence d’un trouble anormal de voisinage n’est pas caractérisée.

Voir en ce sens, par exemple, Cass. 3ème Civ., 29 septembre 2015, n° 14-16.729 :

« Attendu qu'ayant relevé que les constructions avaient été réalisées en zone urbaine dans un secteur où la situation existante et son maintien ne faisaient l'objet d'aucune protection particulière, qu'une haie végétale permettrait de diminuer ou de supprimer la perte d'intimité résultant des vues sur une partie du jardin depuis l'un des bâtiments construits, que les constructions édifiées au nord de la parcelle où se trouvent leur mas et leur piscine n'avaient qu'une faible incidence sur leur ensoleillement et que, s'agissant de la parcelle située au Sud-Ouest, rien n'établissait que la luminosité de la maison était affectée dans des proportions excédant le risque nécessairement encouru du fait de l'installation en milieu urbain, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant tenant à la proximité d'un centre commercial, a souverainement retenu que l'existence d'un trouble anormal du voisinage n'était pas établi; ».

Voir en ce sens, Cass. Civ. 3ème, 17 mai 2018, n°17-18.238 :

« Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que les deux terrains étaient situés dans une zone fortement urbanisée de la petite couronne de la ville de Paris, où l'habitat évolue au gré des opérations de constructions, et retenu que M. et Mme X... ne sauraient exiger que l'ensoleillement dont ils bénéficiaient ne soit jamais modifié, la cour d'appel a pu en déduire que les troubles dont ils se plaignaient n'excédaient pas les inconvénients normaux de voisinage et a légalement justifié sa décision ; »