Conseil d'Etat, 1° et 4° ch. réunies, 12 juin 2023, n°459918

Le Conseil d’Etat a censuré la jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Marseille tendant à considérer qu’un" lotissement " ne pouvait constituer une agglomération ou un village existant au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

Il rappelle que la nature de l'opération foncière ayant présidé à la création d'un secteur est sans incidence pour apprécier s'il caractérise un secteur déjà urbanisé caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme :

« 2. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dans les communes littorales : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. " Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.** La nature de l'opération foncière ayant présidé à la création d'un secteur est sans incidence pour apprécier s'il caractérise une agglomération ou un village existant au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Un projet de construction situé en continuité avec un secteur urbanisé issu d'une opération de lotissement peut, ainsi, être autorisé si le nombre et la densité des constructions de ce lotissement sont suffisamment significatifs pour qu'il caractérise une agglomération ou un village existant au sens de l'article L. 121-8**.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le projet litigieux consiste à remplacer un bâtiment de seize logements en R + 2 par un bâtiment de quarante-six logements en R + 2 sur une parcelle en lisière du secteur du Perrussier, zone développée dans le cadre d'une opération de lotissement, qui se situe à cinq kilomètres de l'ancien village qui constitue le quartier principal de la commune de Roquebrune-sur-Argens, laquelle est divisée en trois quartiers très éloignés les uns des autres. Pour juger que le projet ne pouvait être regardé comme s'inscrivant en continuité avec les agglomérations et villages existants, la cour s'est fondée sur les circonstances, d'une part, que le secteur en limite duquel s'implante le projet litigieux est séparé par une vaste zone forestière et agricole d'un autre secteur urbanisé de la commune, qu'elle a identifié comme en constituant le centre, correspondant au village ancien, et, d'autre part, qu'un " lotissement " ne pourrait caractériser une agglomération ou un village existant au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, ce dont elle a déduit que le secteur d'implantation, composé essentiellement d'habitations mitoyennes, de même que les secteurs adjacents, constitués d'une centaine de logements ainsi que de terrains de sport communaux et d'un centre de loisirs, ne constituaient pas une agglomération ou un village existant au sens de ces dispositions, en continuité duquel un projet de construction pourrait être autorisé. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la cour, à laquelle il incombait seulement de rechercher si le nombre et la densité des constructions du secteur en continuité duquel se situait le projet étaient suffisamment significatifs, a commis une erreur de droit en prenant en considération la nature de l'opération foncière ayant présidé à la création de ce secteur et en jugeant à ce titre qu'un " lotissement " ne pouvait constituer une agglomération ou un village existant au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, de même, au demeurant, qu'en prenant en considération l'éloignement de ce secteur par rapport au centre historique de la commune, situé dans un autre secteur urbanisé.

4. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. »